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À rebours des effets de mode, nous ouvrons nos colonnes depuis nos débuts (2 ans déjà !) à ceux qui aiment à raconter avec des mots et des clichés un monde tous azimuts, sans simplisme, ni manichéisme. Ils sont photographes. Ils tiennent aussi souvent la plume. Ils sont jeunes ou moins. Ils sont Nikon ou Canon. Ils sont téméraires ou plus sages. Ils sont réservés ou forts en gueule. Ils ont tous en commun d'être à hautes sensibilités et de s'engager sur tous les terrains de notre globe, ailleurs comme ici. Force est de constater qu'ils nous racontent un monde ni noir, ni blanc. L'enfer est d'ailleurs blanc pour Lucien Migné, l'un des reportages phares de ce numéro 9. Ce reporter freelance a débarqué à l'improviste dans les carrières d'Al-Minya. Au cœur du désert égyptien, il a rencontré de véritables forçats du calcaire. Eux n'ont de retraite ni à 62 ni à 64 ans, et encore moins de « régimes spéciaux » malgré la pénibilité de leur travail et la toxicité de leur environnement. Aucun syndicat ne les défend. Eux bossent seulement pour survivre, nous plongeant dans un Germinal moderne à la sauce Mad Max. Habitué à surfer (au sens propre comme au figuré), Damien Castera s'est quant à lui rendu dans le berceau de la religion chrétienne, dans un pays riche d'une histoire deux fois millénaires, mais situé en zone à risque au carrefour des grands empires. « L'Arménie semble à nouveau condamnée à lutter pour sa survie », écrit-il. En adepte du reporter et écrivain Joseph Kessel (1898-1979) – dont on dit que le journalisme sous sa forme la plus noble accédait enfin à la dignité d'art – Damien témoigne de son époque à hauteur d'hommes, et d'un drame en train de se jouer avec un peuple en sursis. Notre monde n'est cependant pas que noir. L'espoir verdit grâce à Camille Lin, tout frais diplômé d'une école de journalisme, qui débarque dans une région paumée du Tadjikistan en quête de gens qui cherchent des solutions afin de concilier écologie et tourisme. Grâce à l'écrivaine Émilie Talon, l'espoir d'un monde meilleur renaît aussi. Direction cette fois, les hauts sommets d'Iran, avec une guide-alpiniste dont la voix n'est pas bâillonnée par un État plongé dans un obscurantisme effrayant. Le cocasse peut également se vivre comme une aventure. Croustillants sont parfois ses coulisses, comme le narre l'artiste baroudeur Pascal Bejeannin qui, flanqué de son monumental gorille en métal, ne débarque pas en terrain conquis, loin de là, dans le village « universel » de Mboka, au Gabon. Vous le savez, nos sujets sont tous faits mains par des femmes et des hommes engagés. D'honnêtes gens animés par de solides convictions. Leurs « productions » et notre sélection font notre ADN, et notre modeste succès. N'hésitez pas d'ailleurs à parler de notre journal autour de vous, à abonner des amis, des proches ou des collègues. L'indépendance et la liberté se payent très cher en période inflationniste, tout comme le papier, dont le coût (+75% pour nous) a bondi. Nous ne vous parlerons pas de la distribution postale et de ses hic parfois. À l'heure des « réécritures », des punch-lines, des invectives, des prouesses de Chat GPT (qui n'épatent que les ravis de la crèche) et des « ogres » dans les médias (dont un dénoncé par l'académicien Érik Orsenna), je ne résiste pas à l'envie de vous formuler trois recommandations printanières : Primo, éteignez vos écrans (lisez sur du papier), Secundo, donner (ou faites) l'amour (on ne le dira jamais assez), Tertio, prenez le temps d'aller dehors (le grand air inspire). L'intelligence artificielle ne nous sauvera pas, face à quoi, « l'espoir demeurera le pilier du monde ». Je fais nôtre ce proverbe zoulou. D'ici là, restons forts et inspirés, Stéphane Dugast
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