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 Nuit d'hiver en bivouac
Photojournaliste amoureux fou de nature, Camille Poirot aime à bivouaquer été comme hiver, mais aussi à partager ses secrets de la vie au grand air.

« Le plus souvent, je n'emporte pas de tente dans mes randonnées montagnardes. Je trouve qu'un dôme coloré fait tache dans le décor (le vrai contemplatif se soucie de l'esthétique de son bivouac). Ne pas emporter de tente, c'est s'en remettre à l'imprévu, à sa capacité d'adaptation, à sa lecture de la géographie traversée, pour déterminer quel endroit pourrait faire office d'abri éphémère. Je ne compte plus mes nuits passées sous des rochers, perché sur des vires, suspendu en hamac entre deux arbres, siestant dans des cavités ou sous la voûte bien plus haute des étoiles. Il existe un nombre infini de replis et de cachettes que les cartes ignorent.

Il m'est impensable d'esquiver l'hiver et d'attendre sagement le printemps pour reprendre mes excursions dans la nature. Il me tient à cœur d'éprouver toutes les saisons, au même titre que les autres espèces, et sans rechigner devant l'âpreté des conditions. La notion d'extrême est d'ailleurs relative – chacun affuble d'extrême ce qui n'est pas de son usage, aurait peut-être dit Montaigne – car pour le bouquetin des Alpes qui défie le blizzard aussi stoïque qu'un roc, les nuits glaciales sont sa normalité.

L'homme qui part en montagne en hiver sans intention suicidaire pense toujours à s'armer d'un kit avalanche : pelle + sonde + détecteur de victime d'avalanche. Certains de ces outils s'avèrent utiles dans la construction d'un gîte protecteur. La sonde permet d'ausculter l'épaisseur des congères et de trouver une accumulation de neige suffisamment importante pour n'avoir plus qu'à creuser dans la masse. Ainsi confondue dans la blancheur, la tanière salvatrice offre un asile semblable à un judas discret au balcon de la nature ; un trou de serrure d'où scruter la vie sauvage. Pour le photographe persévérant, c'est un merveilleux poste d'affût.

J'ai le souvenir intact de mon premier igloo, creusé dans les Pyrénées avec un ami le soir de la Saint-Sylvestre. Nous voulions éprouver l'efficacité de la méthode : moi dans un trou de neige, lui dans une tranchée rudimentaire. Après un festin de circonstance, servi dans des boîtes de conserve, je m'endormis comme une masse. Réveillé plus tard par une envie pressante, j'enlevai le sac qui calfeutrait l'étroite entrée de mon cocon. Ce n'est qu'à cet instant que je m'aperçus qu'une tempête de neige hurlait férocement. Les sifflements du vent avaient été jusque-là complètement étouffés par l'épaisseur floconneuse de mon terrier. Je m'assurai que la tranchée de mon ami ne se soit pas effondrée sous l'assaut des bourrasques, mais la structure semblait au contraire s'être renforcée jusqu'à atteindre la robustesse du ciment. Dans le faisceau de la frontale, son retranchement avait l'air d'un sarcophage de glace. Sans plus tarder, je regagnai mon duvet, et tandis que le froid mordait au dehors, mes bouteilles d'eau dans l'igloo ne gelèrent pas de la nuit. La méthode fonctionnait ! Modérément exalté par les réveillons conventionnels, j'ai depuis ce jour pour tradition de passer mes nuits du Nouvel an dans des trous de neige. Ainsi, à la première aube de chaque année, mes yeux s'ouvrent sur la beauté du monde ».
💡 Le saviez-vous ? Contrairement à l'idée reçue, l'igloo des Inuits n'est pas constitué de blocs de glace mais de blocs de neige. C'est d'ailleurs l'air emprisonné entre les cristaux de la neige qui confère à cet habitat son incroyable pouvoir isolant. Traditionnellement, l'igloo n'est pas un lieu destiné à une occupation longue ; il était plutôt utilisé comme abri temporaire par les peuples nomades lorsque ceux-ci s'éloignaient de leur « maison » principale.


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